
Aux éditions « Indigène » dans la collection « Ceux qui marchent contre le vent » : il marche, le petit livre, oui, vers le million d’exemplaires pour une pincée de pages écrites à partir de son discours des Glières. Ce n’est pas tant l’originalité du propos, pour cela récemment la série d’articles dans Libération mettant le populisme en question est bien plus stimulante, ni la forme : un ami vient de m’envoyer pour ses vœux quelques lignes de Bénigno Cacérès fondateur de Peuple et culture qui ont le même souffle, la même hauteur de vue, mais le titre vivifiant a suffi pour fabriquer un phénomène éditorial semblable au « Matin brun » de Pavloff, il y a plus de dix ans déjà. Le succès va d’habitude tellement vers des productions qui flattent la passivité, que l’engouement pour ce texte est remarquable au-delà des mots qu’il contient. L’ancien diplomate s’indigne de la dictature des marchés financiers, des remises en cause en matière de retraites,de sécurité sociale, de l’état de la planète, du traitement réservé aux sans-abris, aux sans papiers, aux Palestiniens…Il place son engagement dans la lignée de Sartre « vous êtes responsables en tant qu’individus ». Ce succès peut-il rassurer sur les consciences qui ne dormiraient que d’un œil, mais signifier aussi à travers une certaine évidence voire banalité des propos ; qu’il faille un tel rappel ne renseigne-t-il pas aussi sur une certaine apathie de l’opinion ? Le simple sommaire d’un journal télévisé suffit à remplir notre caddie d’ indignations. Le problème reste entier pas seulement pour fournir des outils pour résister mais ce n'est pas gagné de s’entendre sur des perspectives où vivraient d’autres valeurs, où les jeunes auraient un emploi, les anciens des soins, les travailleurs du respect...
Il appelle avec les vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre à « une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation de masse ; le mépris des plus faibles et de la culture, l’amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous ». Ce bonhomme suave de 93 ans parle à la jeunesse non pour la flatter, mais pour l’élever : tout n’est pas perdu !
Dans la postface son éditeur rappelle qu’ « après des interrogatoires sous la torture - l’épreuve de la baignoire notamment, il déstabilise ses tortionnaires en leur parlant l’allemand sa langue natale. » Il est envoyé au camp de Buchenwald. Sa vie est un roman qui tiendrait lui bien des pages. Là dans une forme économique (3€) qui convient visiblement à l’époque, il nous envoie un joli signe pour la décennie qui s’ouvre. Il n’y a pas que des Dumas (Roland) qui ont voix au chapitre !
