La consultation du blog de Pierre Assouline, un de mes blogs préférés, aussi bien par la tenue des débats, la richesse d'informations et les invitations à la lecture m'apprend une nouvelle pour le moins consternante : la disparition du Bateau-Livre, formidable émission littéraire de Frédéric Ferney présente depuis 96 sur France 5. S'il m'est arrivé de regarder cette émission à 8H45 le dimanche matin, le plus souvent c'est lors de sa rediffusion (ou plus récemment, grâce au magnétoscope numérique de la Freebox) que je pouvais voir une des rares émotions littéraires du PAF, aussi nécessaire qu'un Masque et la Plume.
Dans une lettre, datée du 4 juin 2008, adressée à Nicolas Sarkozy, Frédéric Ferney, avec la subtilité que les téléspectateurs de son émission lui connaissent, fait part de son étonnement concernant cette décision et rappelle les missions d'une chaîne de service public : donner le goût de la découverte, sortir des sentiers battus, donner la parole à de nouveaux talents... Parti pris élitiste ont estimés les dirigeants de France Télévision, sans doute peu sensibles à une atmosphère d'écoute, de débats intelligents, d'idées et d'opinions énoncées sans être coupées par un animateur. Et des chroniqueurs qui aimaient les livres et vous faisaient partager un trésor caché, une œuvre à redécouvrir, un talent à ne pas manquer. De l'enthousiasme (du vrai !) sur des écrivains (des vrais !). On était loin des promotions de best-sellers animées par un journaliste (?) qui avait lu, dans le meilleur des cas, le dossier de presse résumant l'ouvrage, et, dans le pire, le quatrième de couverture. La qualité d'un livre semble alors dépendre du nombre d'exemplaires vendus, de l'épaisseur du volume, de la notoriété médiatique de son auteur ou du parfum de scandale qui semble tourner autour. Bref, le niveau 0 de la littérature avec des débats qui ne vous font pas partager une lecture ou une émotion, mais qui dictent une liste de lecture, comme on décide de la mode dans les magazines féminins...
Le plus étrange, c'est que l'on reproche à Frédéric Ferney d'être élitiste, alors que c'est tout le contraire.Quand des Guillaume Durand, PPDA vous délivrent leur playlist, l'animateur du Bateau-livre et ses chroniqueurs suggèrent, dévoilent, magnifient des œuvres en d'autres termes que des expressions convenues genre "très beau livre" ou "très belle écriture". Mais apparemment le service public se satisfait bien des idées raccourcies, des débats bavards et d'une littérature poussive. Même si les moyens sont dérisoires pour la produire, il ne peut se satisfaire d'une émission qui traite vraiment de littérature et restitue sa richesse (et son accessibilité) le mieux possible. Et l'on craint que ce mépris ne s'étende dans d'autre services publics : politiques culturelles territoriales, bibliothèques, etc.
